Banque Franco-Tunisienne (BFT) : histoire, indicateurs financiers, liquidation
Description
S’il y a une banque qui a beaucoup fait parler d’elle, c’est bien la Banque Franco-Tunisienne (BFT). Faisant partie des institutions bancaires les plus anciennes de la Tunisie (1879), la BFT, sous sa forme tunisienne, existe depuis plus de 60 ans. Elle a été nationalisée par l’État en 1989. Aujourd’hui, la banque a cessé ses activités en raison d’une affaire judiciaire qui opposait, notamment, l’État tunisien à la société ABCI Investments.
Nous n’allons pas aborder la dimension politique de l’affaire BFT qui, rappelons-le, a pris les allures d’un scandale d’État. Aussi, nous allons revenir sur les derniers indicateurs financiers dont nous disposons, à savoir ceux de 2008, tout en revenant sur les principales étapes de l’histoire de la banque. A titre d’information, lorsqu’elle était en activité, la BFT avait un siège social situé au 13, rue d’Alger à Tunis. Son code SWIFT/BIC était le BFTNTNTT.
Année de fondation | 1879 |
Date de la nationalisation | 1989 |
Siège social | 13, rue d’Alger à Tunis |
Code SWIFT/BIC | BFTNTNTT |
Banque Franco-Tunisienne (BFT) les derniers indicateurs financiers
L’une des dernières communications financières de la BFT a été publiée à l’issue la réunion de son Assemblée Générale Ordinaire portant sur l’exercice 2008. Selon un document publié par le Conseil des Marchés Financiers (CMF), pour les actionnaires, c’était l’occasion de revenir sur les résolutions adoptées, le bilan et les résultats de la banque. Notons qu’il est difficile de vérifier l’authenticité des chiffres compte tenu des pressions politiques qui existaient à l’époque.
Ci-après, l’évolution des capitaux propres de la BFT au 31/12/2008 :
Capital | 5000 |
Réserves | 900 |
Autres capitaux propres | 2723 |
Résultats reportés | -1927 |
Résultat de l’exercice | 137 |
Total | 6 833 |
Vous pouvez consulter l’intégralité du document fourni par le CMF via ce lien.
Histoire de la Banque Franco-Tunisienne (BFT) : l’essentiel à savoir
La nationalisation de la BFT en 1989 par l’État sous le régime de Ben Ali a marqué le début de la tourmente pour l’institution. A l’exemple de plusieurs autres institutions, elle était sous le joug du régime en place. Dans cette optique, aucun crédit bancaire sollicité par la famille du pouvoir n’a été refusé. Des sommes astronomiques ont été prêtées sans la moindre garantie de remboursement.
260 000 euros de crédits sans garantie
Les banques publiques étaient également concernées par cette tendance à l’époque. Elles étaient contraintes d’octroyer à la famille présidentielle ce dont elle avait besoin en matière d’emprunt bancaire. En fait, la BFT n’était pas la seule à être menacée par ces pratiques, mais tout le secteur bancaire.
Les conséquences n’ont pas tardé à être constatées. En effet, les capacités d’investissement de la BFT ont été fortement impactées. Selon les dernières estimations, le montant de crédits accordés sans garantie avoisinerait les 260 000 euros. C’est, du moins, ce qu’a affirmé le journal Maghreb Confidentiel dans son numéro 1095 datant du 23 janvier 2014.
1 milliard dollars que l’État tunisien doit restituer à ABCI Investments
C’est donc tout le système bancaire qui était en péril à cause de la situation de la BFT. Les choses se sont davantage corsées à partir de 2011, lorsque la société ABCI Investments – l’un des actionnaires de la banque – a fait valoir ses droits. Pour ce faire, elle s’est adressée au Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements (CIRDI).
En fait, ABCI Investments voulait récupérer son statut d’actionnaire, sachant qu’elle détenait 50% du capital de la BFT. C’était une compensation qu’elle voulait obtenir et qui équivaut à 1 milliard de dollars. Ce sont les dommages et intérêts censés lui restituer ses droits après la nationalisation de la banque en 1989.
L’État tunisien dos au mur
La situation était intenable pour l’État tunisien qui était déjà en proie à une crise financière sans précédent. Malgré sa situation désavantageuse, il a refusé les solutions dont il pouvait profiter. De son côté, ABCI Investments n’avait pas l’intention d’abandonner ses droits et elle tenait à son milliard de dollars de dédommagement. D’ailleurs, elle n’a accepté aucune solution à l’amiable proposée par l’arbitre.
Des pertes astronomiques
Les pertes cumulées par la BFT à cause de cette affaire ont avoisiné les 500 millions de dinars selon les dernières estimations (plus de 150 millions d’euros). Les dépôts, pour leur part, valaient à peine 20 millions de dinars – environ 6 millions d’euros -.
La fermeture officielle de la Banque Franco-Tunisienne (BFT)
Après une histoire rocambolesque et pleine de rebondissements, la BFT a officiellement fermé ses portes à la date du 28 février 2022. L’annonce a été faite par le chargé de communication de l’UGTT (Union Générale Tunisienne du Travail) qui s’est exprimé dans les médias tunisiens.
Avant cette annonce officielle, les bruits des couloirs évoquaient déjà la liquidation de la BFT. La décision aurait même été prise à l’issue d’une réunion entre la centrale syndicale, représentée par la Fédération Générale des Banques et des Établissements financiers, et la Commission de résolution des banques et des établissements financiers en situation compromise.
La rencontre entre les deux parties a également permis de statuer sur le sort des employés qui ont travaillé au sein de la BFT. Il a ainsi été convenu qu’ils rejoignent d’autres institutions bancaires.
Chronologie de l’affaire de la Banque Franco-Tunisienne (BFT)
Voici, à présent, un résumé des principaux faits qui ont marqué l’histoire de la BFT depuis sa nationalisation.
1981 | Le début des bouleversements avec la privatisation orchestrée de la banque. Pour rappel, a été confisquée à son ancien propriétaire, Raoul Daninos, en 1964 |
Novembre 1981 | ABCI Investments a manifesté son intérêt pour la BFT en demandant un agrément au ministre des finances, Mansour Moalla |
Avril 1982 | ABCI obtient 50% des actions de la BFT |
1983 | Mansour Moalla, décide la privatisation de la BFT. Il lance aussi une souscription en vue d’augmenter son capital à 5 millions de dinars |
1983 | Les autorités tunisiennes décident de ne pas accorder à l’ABCI ses fonds. Cette dernière a riposté en demandant à l’ancien leader Palestinien, Yasser Arafat, d’intervenir en sa faveur auprès de la Première Dame de Tunisie – Wassila Bourguiba – |
Juillet 1984 | Les droits de l’ABCI sont reconnus, et ce suite à l’intervention du président de l’époque, Habib Bourguiba |
1986 | Le représentant légal d’ABCI, Abdelmajid Bouden, accède au Conseil d’Administration de la BFT. Il en a profité pour accuser la STB – actionnaire – d’avoir vidé une partie des fonds de la BFT. Il a alors exigé la récupération de 1 million de dinars, tout en réclamant l’intervention de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris (CCIP). Bouden a obtenu gain de cause, mais sans l’exécution du verdict. |
1986 | Un audit a été effectué au sein de la BFT. Il a révélé que les bilans de la banque étaient falsifiés. Mourad Guellaty, commissaire aux comptes à l’époque, était complice |
Septembre 1987 | La STB, la BCT et le ministère des Finances déposent plainte contre la BFT pour contester contre l’arbitrage de la CCIP et pour dénoncer une infraction à la réglementation de changes |
1987 | La BFT a été placée sous administration judiciaire. Abdelmajid Bouden a été interdit d’entrer en Tunisie |
Mars 1989 | Bouden est condamné à 6 ans de prison et à 30 MDT de dinars d’amende |
7 juin 1989 | Bouden signe un protocole de renonciation au nom d’ABCI |
1991 | Bouden parvient à quitter la Tunisie |
1991 | Bouden reprend la confrontation judiciaire |
Novembre 1991 | Le juriste Feu Mounir Klibi rejoint la BFT pour organiser la défense de la banque face aux accusations de son ancien propriétaire qui a été spolié. Il était à Londres. Le combat a duré 10 ans |
2003 | Les juridictions britanniques ont été déclarées “incompétentes”. ABCI s’adresse alors au CIRDI |
Février 2011 | La Tunisie a contesté l’arrivée du CIRDI, mais le tribunal arbitral a statué en faveur du CIRDI, ce qui a conféré à Bouden une victoire contre l’État tunisien |
2011 | Ridha Belhaj, alors secrétaire général du gouvernement de Feu Béji Caïd Essebsi, a été chargé du dossier de la BFT dans l’espoir de trouver un compromis. Les représentants d’ABCI ont accepté la possibilité de trouver une solution à l’amiable, mais aucune n’a été proposée |
2011 | Sans réaction de la part de la Tunisie, Bouden décide de saisir la Cour de Cassation pour faire valoir ses droits |
Octobre 2012 | Les condamnations à l’encontre de Bouden sont suspendues car, selon les motifs évoqués, elles découleraient d’une instrumentalisation politique |
2012 | La bataille judiciaire reprend de plus belle. Bouden détient une position privilégiée |
2017 | ABCI Investments a une fois encore fait valoir ses droits devant le CIRDI pour récupérer sa position d’actionnaire et réclame 1 milliard de dollars de dommages et intérêts |
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